Légende : donnez votre avis !

Il vaut mieux les lire dans l'ordre de parution, comme l'a voulu l'auteur. C'est bien tout l'intérêt de Légende d'ailleurs : lire le récit de la mort héroïque d'un guerrier légendaire dont l'on ne connait au final que peu de chose, lui conférant ainsi toute sa dimension de "légende vivante". De plus, le personnage d'Ulrich pourrait paraître très très fade et terne pour ceux qui ont lut La légende de marche mort et Loup blanc. Ce n'est pas sur du tout sur que Gemmell avait prévu de raconter ainsi le passé d'Ulrich lorsqu'il écrivit Légende.

De plus, ce n'est qu'en lisant dans cet ordre que l'on se rend compte de l'évolution du style de l'auteur, de ses hauts et de ses bas.
En revanche, en seconde lecture, il peut être intéressant de lire dans l'ordre chronologique des évènements.

Gemmell semble avoir voulut prendre le contre-pied de ce qu'à fait Sprague de Camp avec Conan, qui avait à tout prix voulut présenter les aventures de conan dans un ordre chronologique assez arbitraire. Gemmell reprend l'idée originelle d'Howard en présentant des épisodes de Drenai se déroulant à différent moment chronologiquement, comme un conteur.

ATTENTION 100% SPOILERS

Dans Légende, tel un joyau brut dans une gangue, Caessa m'a fait forte impression.
Osons le dire cette femme est une vraie bombe, mais c'est surtout une serial killeuse misandre.
Elle déteste les hommes symboles de ceux (celui) qui n'ont pas été capable de la protéger et de ceux qui ont tué et violé sa mère et sa soeur. Dans un schéma profondément psychotique et schizophrénique elle recherche la compagnie des hommes qui pourraient lui apporter l'affection dont elle a toujours manqué avant de déverser sa haine en leur plantant un poignard dans le coeur.
Sur ce coup-là, Flécheur a eu un coup de bol ! ;)

Dans Druss elle voit la figure paternelle protectrice qu'il pourra enfin la libérer de son cauchemar personnel. Elle s'accroche à lui comme à une planche de salut et bascule définitivement dans la folie quand elle finit par ne plus faire la différence entre les envahisseurs nadirs et les criminels sadiques qui hantent sa mémoire.
Mais c'est ce qui lui permet de finalement trouver la sérénité qu'elle a toujours cherché car Druss, ce père qui a fait défaut, va châtier tel un dieu vengeur ces fantômes qui la hantent.

Franchement, ce passage est très émouvant et profondément humaniste.
Le personnage psychotique est une figure récurrente chez Gemmell, qu'il soit bon ou mauvais, masculin ou féminin.
Je pense au Tueur de Glace du Roi sur le Seuil, à Tarentio/Dace à la double personnalité, au sociopathe sadique du Loup Blanc, à la vampire romantique mais nihiliste de Renégats...
Si j'en ai oublié, n'hésitez pas à le signaler. :study:
(histoire de faire avance ma thèse gemmellienne)

EDIT :
les motivations et la fin de Caessa ressemble assez à celle de Dakeyras
sauf que Caessa a depuis longtemps sombré dans la folie, alors que Dakeyras n'a pas basculé

La couverture serbe de Légende n'est pas vilaine du tout :

En 2000 j’ai pris un formidable souffle d’aventure dans la figure avec ce livre et depuis je n’ai pas quitté les terres de la Fantasy.
Au vu des nombreux avis mitigés, moqueurs ou carrément fumés, je me suis décidé à tenter la relecture.

L’effet de surprise est passé et j’ai moins vibré qu’à la 1ère lecture, mais autant le dire franco DG, amateur des films de la Dernière Séance, nous a concocté un remake fantasy de Fort Alamo de fort belle facture. C’est à partir d’un scénario simple qu’a été concocté un récit efficace car sans aucune fioriture (= tirage à la ligne). Ceux qui aiment l’action et l’héroïsme seront servi (quant à ceux qui ne les aiment pas, qu’ils aillent chercher leur came ailleurs).

Nous avons d’abord une phase de recrutement de 100 pages ou on nous présente les protagonistes du drame à venir. Nous avons ensuite une phase de préparation de 100 pages où on s’attache de plus en plus aux personnages alors que le danger se fait de plus en plus proche : le calme avant la tempête en quelque sorte. Nous avons enfin une phase de siège de 100 pages et là DG révèle toute sa générosité dans l’écriture.
Druss n’est qu’un projecteur pour mettre en valeur les petits moments d’humanité et de grands moments de bravoure : on alterne les points de vue en passant d’un camp à l’autre, avec leurs petites joies et leurs grandes peines. Et tout n’est pas raconté ou décrit, la part belle est faite à l’imagination des lecteurs puisque les ellipses utilisées à bon escient permettent d’avancer dans le siège sans hacher ni le rythme ni la narration.
La tension monte, les morts s’accumulent, et après le climax entouré par 2 deus ex machina auxquels ont pourrait évidemment trouver à redire, DG nous emmène vers un long dénouement de 50 pages dans une ambiance douce-amère.

Les défauts que sur lesquels j’avais tiqué me sont par contre devenus carrément insupportables :
- la relation entre Rek et Virae évolue tellement rapidement qu’on peine vraiment à y croire
A comparer avec Parménion/Dérae dans le Lion de Macédoine et Enée/Andromaque dans Troie
- la fin est très mièvre (et constitue un deus ex machina de trop) donc le happy end tombe à plat
- on passe sans transition des palabres à l’action :
les liants manquent, cela s’enchaîne souvent trop abruptement
- les dialogues manquent de naturel : naïveté et/ou testostérone, dans la tradition eighties
On pourrait presque croire que c’est mal écrit, mais quand cela s’anime on gagne vite en qualité !

Et évidemment on évoque tous les thèmes chers à l’auteur qu’il développera par la suite…
Par exemple Flécheur et Caessa qui m’avaient fait forte impression à 1ère lecture m’ont paru à 2ème lecture un peu léger, mais qu’importe puisqu’on trouvera ultérieurement des équivalents bien plus consistants dans la bibliographie de l’auteur.
… Bref entre une introduction moyenne et une conclusion à moitié ratée, une belle aventure !

Notez que DG a écrit ce livre en exécutoire du combat qu’il menait contre une terrible maladie qu’il pensait être le cancer. Dros Delnoch c’est le corps attaqué par une force inexorable (les Nadirs) et vaillamment défendu uniquement au moral (les Drenaï). Ce roman est une vaste mise en abîme : Druss ramène l’espoir aux soldats comme à un auteur qui se croyait mourant.
Est-ce un hasard sur les murailles sont les équivalents des phases de l’acceptation de la mort ?
Est-ce un hasard si le Comte Delnar lutte contre la maladie qui le ronge
Est-ce un hasard si Druss lutte contre le poison qui le ronge ?
Mais certains n’y ont vu qu’un livre bourrin écrit par un bourrin pour des bourrins.
Vachement sensibles et clairvoyants les gars…