Yoshihiro Togashi, Yuyu Hakusho

Yuyu Hakusho est clairement le prototype de Hunter X Hunter, avec son monde étrange et mystérieux mélangeant horreur et aventure et avec ses personnages ambivalents souvent bien plus profonds qu’il n’y paraît de prime abord (oui l’auteur kiffe JoJo's Bizarre Adventure, et cela sent, mais il aime aussi l’œuvre de Masami Kurumada, tout en s’inspirant des graphismes de Tetsuo Hara et de Tsukasa Hojo… ^^). Mais pour beaucoup, c’est aussi le prédécesseur du Bleach de Tite Kubo, qui ne serait qu’une modernisation voire un remake du premier succès de Yoshihiro Togashi. Je suis bienheureux de relire cette série avec le recul nécessaire pour mieux voir ce qui la distingue des shonens à rallonge. Car que nous raconte l’auteur au final ? L’histoire de ratés de la vie, humains et démons, qui vont trouver un sens à leur existence…

- Hiei le démon du feu consumé par la haine ? II va apprendre à sa sœur jumelle puis à sa patronne Mokuro à passer outre leur propre haine avant de devenir lui-même un gardien de la paix.
- Kuruma, le yokho légendaire ? Il va oublier son égocentrisme pour devenir l’individu le plus altruiste qui soit.
- Kuwabara, le furyo débile ? Il va devenir un mec bien grâce au pouvoir de l’amour (cf. le printemps de Kuwabara).
- Yusuke, la petite frappe constamment au bord du gouffre ? Il va suivre le chemin de l’universel Héros aux mille et un visages en affrontant ses prédécesseurs au poste de détective des ténèbres.
Il va affronter Toguro, celui qui s’est perdu dans sa course à la puissance.
Il va affronter Shinobu, celui qui rejette dos à dos humains et démons.
En affrontant ceux qu’il aurait pu devenir, il prend conscience du chemin à suivre, et à la soif de domination des rois des ténèbres, il va offrir une voie nouvelle… celle de la Coexistence Pacifique ! Yusuke répond ainsi à une question existentielle récurrente dans les shonens : Comment mettre fin à l’injustice et à la violence ? Par la force et la domination ou par la compréhension et l’acceptation de l’autre… Et comme il n’est pas de meilleure manière de vaincre un ennemi que de s’en faire un ami, Yusuke va transformer nombre de ses adversaires en partenaires.

Yoshihiro Togashi est l’un des mangaka les plus doués de sa génération : il a réussi l’exploit de marier l’humanisme miyazakien au nekketsu dragonballesque. D’ailleurs même si on ressent également l’héritage de Rumiko Takahashi, c’est sans doute le meilleur héritier d’Akira Toriyama (ses personnages féminins doivent ainsi beaucoup à Lunch ^^), ayant parfaitement réussi à marier les codes du shonen classique à son propre imaginaire. C’est toute la force de Yoshihiro Togashi qui arrive à insérer des réflexions sur le rapport à la vie et à la mort dans des bastons dragonballesques… Et cela sonne souvent juste, car c’est fait avec une rare sobriété (à des années lumière des tirades grandiloquentes, des chialades diluviennes et des flashbacks à répétition trop souvent utilisés dans les shonens de dernière génération).
Malheureusement, il y a aussi « le syndrome Togashi » : un mangaka passionné qui vit très mal les contraintes propres au métier de mangaka, mais aussi un mangaka indécis qui se lasse très rapidement des voies qu’il emprunte, ses mangas changeant souvent radicalement d’ambition et d’ambiance d’un arc à l’autre, quand il n’est pas rattrapé par l’un de ses nombreux épisodes dépressifs... D’où de nombreux travaux parfois bien en deçà de son talent et une petite impression de bâclage. Mais du Yoshihiro Togashi même bâclé, cela appartient au haut du panier… ^^